Diffusé par Arte le 25 avril, le documentaire Manger autrement suit trois familles européennes en transition alimentaire. Des enjeux globaux de notre alimentation aux actions individuelles, il propose à travers cette expérimentation de nombreuses pistes pour en faire autant, chacun·e à son rythme.
Si chaque humain adoptait le régime alimentaire d’un Européen moyen, il nous faudrait deux planètes pour nourrir tout le monde. Le film d’Arte fait le lien entre notre alimentation et la surface de terre nécessaire à sa production. Et c’est par ce prisme que Manger autrement propose un tour d’horizon des enjeux environnementaux, sanitaires, climatiques, sociaux, humains de nos assiettes.
Pour produire ce que mange un citoyen européen en moyenne chaque année, il faut l’équivalent d’un petit terrain de foot.
Comment réduire cette surface ? En mangeant moins de viande, en consommant davantage d’aliments produits localement et de saison. C’est l’expérience proposée à trois familles (allemande, autrichienne et française) : tenter, en changeant leurs habitudes, de diminuer la superficie de terre nécessaire à la production de leur alimentation.
Sa capacité à faire le lien entre enjeux globaux et actions individuelles est, à mon sens, le point fort de ce docu. Production de la viande, pêche, transport des denrées, poids de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution sur les décisions politiques, exploitation des sols et des hommes à travers la planète… Il nous donne les clefs pour mesurer les impacts de nos choix quotidiens.
« Mais si on fait attention à tout, on ne peut plus rien manger !«
Face aux arguments du film, il est aisé de comprendre la nécessité de manger autrement, de bousculer des habitudes alimentaires qui ne sont pas soutenables. Les faire évoluer est une autre paire de manches. Cela demande de s’affranchir de quelques idées reçues : nous n’avons pas besoin de manger de la viande tous les jours, préparer des légumes ne prend pas forcément beaucoup plus de temps, l’alimentation « responsable » n’est pas (loin de là) dénuée de plaisir… Il y a tant à (ré)apprendre, en cuisine !
Notre conscience informée est souvent mise à rude épreuve, au moment de passer à table, de commander au restaurant ou de faire nos courses. Difficile, en effet, de conjuguer tant de messages au quotidien : la viande, le bio, le zéro déchet, les circuits courts, le gluten, le lait de vache, l’huile de palme, les avocats, les additifs, les OGM, l’empreinte carbone, le transport, les conditions de travail et de rémunération des producteurs…
C’est là qu’intervient cette notion qui m’est si chère : la transition. Un objectif à la fois. On commence par introduire un changement, même tout petit, dans nos habitudes. Vouloir tout changer en même temps, c’est courir le risque de perdre complètement ses repères… et d’abandonner face à l’ampleur de la tâche. Une fois ce nouveau pli intégré, on peut passer à un autre « objectif ». L’essentiel étant de suivre ses envies, commencer par quelque chose qui ne vous coûtera pas trop. Il n’y a pas de petit effort et la notion de plaisir doit être centrale.
Une transition menée progressivement a plus de chances de changer en profondeur des habitudes alimentaires dont vous savez qu’elles ne sont bonnes ni pour vous, ni pour la planète, ni, par conséquent, pour les autres humains.
Quelques idées d’objectifs
Bien sûr, vous pouvez adapter ces « défis », vous les approprier selon votre niveau, les simplifier ou les corser. L’idée, c’est de prendre confiance en soi, en sa capacité à changer (un peu) son alimentation, de gagner en autonomie.
Et devinez quoi ? Plus on démarre petit, plus la démarche est progressive, plus on a de chances d’y arriver !
- Ne plus manger d’avocats, en refaire le « produit d’exception » qu’il doit être
- Acheter des fruits et légumes de saison
- Acheter des produits français
- Aller au marché pour acheter en direct auprès des producteurs (même si ce n’est que pour les fruits, les légumes ou le fromage)
- Acheter son pain à la boulangerie
- Faire, une fois par mois, ses courses via les plateformes de circuit court comme Le Court Circuit, Mes voisins producteurs…
- Se désintoxiquer d’une « saloperie » en apprenant à la faire soi même grâce à Super Supérette. Il retrouve toute sa valeur, on n’est plus tentés de s’en enfiler un paquet entier, sans même le savourer, devant un film.
- Passer, chaque jour, 10 minutes supplémentaires en cuisine
- Faire une journée végétarienne par semaine
- Ne plus acheter de céréales et faire son granola maison
- …
Où sont les hommes ?
Bien que ce ne soit pas le sujet du documentaire, un aspect m’a tout de même frappée en le visionnant. Dans les trois familles que nous suivons (couples hétérosexuels avec enfants), les femmes (essentiellement les mères) semblent assez seules à porter la charge de l’alimentation dans la famille. Leur responsabilité s’alourdit encore lorsque la transition est en marche.
Entre celui qui mange un peu n’importe quoi le midi parce que sa femme fait toujours des légumes le soir et celui qui se plaint des tâtonnements de son épouse en cuisine pour (ré)apprendre à préparer, chaque jour, les repas de la famille… j’ai trouvé l’attitude des maris un peu lâche et paresseuse.
La transition alimentaire ne doit pas s’opérer sur le dos des femmes.
Elle doit plutôt être l’occasion de s’interroger, en parallèle, sur la façon elle s’organise et s’organisera dans nos foyers. Manger est l’affaire de tous et toutes. Si les hommes d’aujourd’hui n’ont pas toujours reçu le bagage de connaissances domestiques leur permettant de s’approprier le sujet, ils peuvent et doivent tout de même s’investir, ne serait-ce que pour ne pas perpétuer cette ignorance, cette dépendance et cette irresponsabilité de fait chez leurs fils.
Le documentaire est disponible sur le site d’Arte jusqu’au 27 juin.